1 - Eglise de Gabat.
Notre étude a débuté à l’église de Gabat
dont on nous avait signalé certaines particularités ; celles-ci nous ont suffisamment intrigué pour nous amener à examiner d’autres églises en Pays de Mixe, puis au delà.
Description.
C’est sur les indications de notre ami Jacques Casaubon, que nous avons été examiner une des portes de l’église de Gabat
celle qui donne sur le porche du côté sud.. Elle présente une curiosité fort intéressante : son pourtour est constitué de 12 claveaux de grés
répartis de façon asymétrique - de sorte que le montant droit paraît « incomplet » - mais le plus étonnant est que 6 de ces éléments portent des rainures, de profondeur variable.
Nous devons signaler qu’une autre porte de l’église, celle donnant au nord est entourée dans sa totalité par le même type de pierres de grés, mais qu’aucun ne porte la moindre trace de rainures. De nombreuse pierres de ce type se retrouvent aussi au pourtour des fenêtres, en pierres d’angle des murs et au chevet de l’église, elles aussi sans rainures.
On nous a indiqué que ce matériau était fréquent au flanc d’une colline à quelques centaines de mètres de là. Il s’agit d’un grés jaune, teinté par endroits de rouge orange par des inclusions ferrugineuses ; le grain en est moyennement fin. Mais on doit noter qu’un autre calcaire, gris, est aussi très utilisé dans la construction de cette église comme pour bien d’autres maisons du village, de même qu’un autre grés rose beaucoup plus clair.
Nous allons étudier en détails ces six claveaux de la porte sud, porteurs d’incisions plus ou moins profondes, essayer d’en déterminer la finalité, l’époque d’utilisation, et le pourquoi de leur inclusion dans la maçonnerie.
Pour la clarté de l’exposé, nous avons numéroté les claveaux en partant du côté gauche et de bas en haut, en regardant la porte de l’extérieur.
On notera, du côté gauche, que les 3 premiers sont vierges de toute trace de rainure et semblent ne servir que de support aux claveaux 1, 2, 3, et 4, lesquels présentent les nombreuses rainures. Le linteau ne présente aucune trace, alors que les deux claveaux du côté droit, numérotés 5 et 6 sont eux aussi porteurs de rainures.
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La face externe du claveau n° 1 est plane et la seule qui présente des traces. Elle affecte la forme d’un parallélépipède rectangle. On peut y relever la présence de 4 rainures, généralement disposées horizontalement. On remarque l’inégale profondeur des traces, et ceci est un fait commun à tous les éléments porteurs de rainures : la plus profonde a 18 millimètres, alors qu’une autre, de même longueur, n’en a que 6.
La face interne , c’est-à-dire celle qui regarde vers la porte en bois, ne présente aucune autre trace.
Le claveau n° 2, par contre, présente des traces sur ses deux faces, externe et interne.
Face externe : plane, elle affecte la forme d’un hexagone régulier, à sommet allongé vers la gauche. .On note l‘existence de 13 rainures de dimensions et profondeurs très variables, en majorité disposées suivant un axe oblique en bas et à droite. Si la trace la plus longue ( 35 cm), est aussi la plus profonde (19 mm), certaines, par contre, sont à peine marquées. Sur le bord droit du bloc sont visibles deux concavités ( cuvettes de polissage ?), dont une, l’inférieure, déborde largement sur la face interne
Face interne : Elle présente un relief plus tourmenté que la face externe et elle est de moindre dimension Outre les concavités notées sur la face externe et qui se prolongent ici, on y distingue nettement 9 rainures, dans l’ensemble verticalement disposées ; on remarquera que deux sont de dimensions identiques ( 27 cm de long ), mais ont des profondeurs bien différentes, l’une 6 mm l’autre21 mm.
Le claveau n° 3 va lui aussi présenter deux faces porteuses de profondes rainures et d’une concavité très nette.
La face externe : trapézoïdale, bien plane, offre à étudier 14 rainures obliques de haut en bas et de gauche à droite, là encore de dimensions et de profondeurs très variables..
A la partie inférieure du bord droit de la face externe, on note une concavité triangulaire qui forme un véritable pan coupé touchant aussi la face interne.
La face interne, (côté porte), ne présente que 3 rainures, verticales, sur une surface irrégulière.
La plus visible est inscrite sur la plage de polissage déjà signalée, les deux autres traces sont beaucoup plus modestes.
Le claveau n° 4, de forme triangulaire, est le dernier sur le côté gauche de la porte.
Sa face externe, rugueuse et légèrement irrégulière, ne présente qu’une seule rainure, peu visible, oblique de haut en bas et de droite à gauche.
Le claveau n° 5, est disposé symétriquement au précédent, de l’autre côté de la porte ; il est de même forme, triangulaire, et ses dimensions en sont très proches.
Là encore on ne note, sur la face externe, plane et lisse, qu’une seule rainure, elle aussi oblique de haut en bas et de droite à gauche, mais nettement plus marquée que celle du bloc n° 4.
Enfin, le claveau n° 6, situé en dessous du précédent, est juste en face du n° 3, et lui aussi de forme trapézoïdale. Sa surface rugueuse et irrégulière présente 5 rainures, de dimensions moyennes ( de 8 à 14 cm de long), mais peu marquées dans l’ensemble.
Discussion.
A - Finalité de ces blocs de grès.
On ne voit guère d’autre finalité à ces pierres, que d’avoir très probablement servi à aiguiser des instruments tranchants, les rainures ou incisions correspondant au passage répété, pour affûtage, ou raffûtage, du tranchant d’un outil, (hache ; burin ; ciseau… couteau ?). Mais à quelle époque ?
Une autre question se pose : ces pierres ont-elles servi, chacune d’elles en tant qu’unité séparée, ou font-elles partie d’un bloc unique, qui aurait été fragmenté en divers éléments ensuite retaillés et disposés comme on les voit actuellement ?
La réponse peut, éventuellement, être suggérée par l’étude de leur probable époque d’utilisation
Première hypothèse : il s’agit de « polissoir(s) » pré- ou protohistorique (s).
Ces rainures pourraient en effet correspondre à l’affûtage du tranchant de haches en pierre. La présence de concavités, pouvant correspondre à l’action de polissage du corps d’un tel outil, va dans le sens de cette hypothèse.
L’usage de la hache en pierre polie caractérise la période dite du néolithique, qui apparaît, en Europe au IV ème millénaire, début III ème, et encore plus tardivement en Pays Basque. Son usage va encore perdurer, en partie, durant l’âge des métaux, ou protohistoire. Pendant celle-ci, ce type d’ « aiguisoir - polissoir » pourra aussi servir à aiguiser ou raffûter les premières haches métalliques en cuivre, puis en bronze et même plus tard en fer.
Les polissoirs du néolithique ou de la protohistoire, sont extrêmement rares en Pays Basque de France ; nous n’en connaissons qu’un, celui que nous avons trouvé en 1970, dans la région du Pic des Escaliers( Blot J., 1982), et qui porte le même type de rainures,
quant à leurs formes et à leurs profondeurs. (Il est aujourd’hui visible au Musée Basque).
Pour des raisons simplement pratiques, les polissoirs étaient en général des objets lourds, fixes, qui ne devaient pas bouger lors de leur utilisation. Celui du Pic des Escaliers pesait plus de 80 kilos ; nous en avons vu d’autres encore parfaitement conservés, dans la Vallée d’Aspe, au col de La Tallandière, sur d’imposants rochers, et présentant, là encore, le même type de rainures.
Il nous paraît peu probable qu’on se trouve, à l’église de Gabat, en présence de plusieurs petits polissoirs néolithiques ou protohistoriques, qui eussent donc été malcommodes à utiliser. Peut-être s’agirait-il alors d’un polissoir unique, en grés ferrugineux qui aurait été fragmenté pour être ensuite inclus dans ce bâtiment religieux. Est-ce là une forme de christianisation d’un objet venant d’une époque païenne, ou d’une motivation purement esthétique, ou même conservatoire ?
Nous terminerons par une remarque quant à l’inégale profondeur des rainures : certaines, peu marquées, peuvent être en relation avec les gestes doux requis pour affûter le fil d’un tranchant, les autres, plus profondes, traduisant probablement un effort plus important afin de récupérer un tranchant très émoussé par l’usage ou une ébréchure. Quant aux plages de polissages signalées, elles pourraient – nous l’avons déjà signalé - être mise en rapport avec la confection même de la forme et du poli d’une hache en pierre. Rappelons que le polissage de ces outils n’avait pas qu’un but esthétique, mais aussi fonctionnel, le rendement à la coupe étant bien meilleur avec une hache en pierre polie qu’avec la même simplement taillée.
Deuxième hypothèse : il s’agit de simples affûtoirs ayant servi au cours des temps, y compris récents.
Nous ne ferons que citer la possibilité que ces pierres aient servi à aiguiser les couteaux de poche des fidèles sortant de l’église, comme cela nous a été suggéré - sans grande conviction - par un habitant.( Certaines de ces pierres sont de plus totalement hors de portée de main !).
De nombreuses maisons de Gabat utilisent ces pierres en grés ferrugineux dans leurs architectures, en pierres d’angle, ou dans l’encadrement des portes ou fenêtres, sans qu’on y voit de semblables rainures. Cependant, la maison de l’ancien maire, Mr. Mendibil présente, à hauteur d’homme, une pierre d’encadrement de porte porteuse de petites rainures verticales, d’environ 5 à 6 cm de long, très peu marquées et fines, qui pourraient bien correspondre, en effet, à un raffûtage de lames de couteau, quoique les propriétaires actuels n’aient pas souvenir d’une telle pratique.
Reste la possibilité, la plus probable nous semble t-il, que des pierres de la porte de l’église de Gabat aient servi pour affûter des instruments lors de sa construction même de l’édifice, ( des ciseaux, des burins ? ). Certaines de ces pierres, peut-être un peu plus volumineuses qu’elles ne le sont actuellement, auraient pu ensuite êtreretaillées et incluses dans les murs, à la fin de la construction de l’édifice.
Ceci expliquerait que ces pierres n’aient pas été utilisées dans leur situation actuelle, bien malcommode pour cet usage ( penser à la position des pierres n° 4 et 5, hors de portée), et expliquerait aussi, pour celles faciles à atteindre, les différences d’orientation des rainures : les unes obliques, les autres verticales ou horizontales …
Dans ce contexte « moderne », une question demeure toutefois : si l’utilisation de ces pierres date des temps historiques, comment doit-on interpréter les cuvettes de polissage ?
En définitive, que ces rainures soient très anciennes ou des temps historiques, nous partons sur l’hypothèse qui nous semble la plus probable, à savoir que les rainures préexistent au montage des pierres.
B - Modalités de leur disposition :
On peut être assuré que les constructeurs du chambranle de la porte avaient remarqué la nature particulière de ces pierres porteuses de rainures. Ces dernières, étant en général bien visibles, ont conditionné la disposition des blocs : les pierres 4 et 5, ne possédant qu’une seule rainure ont été retaillées pour leur donner la forme triangulaire requise par l’orientation de ces rainure. Les pierres trapézoïdales 3 et 6 semblent avoir été eux aussi été retaillées pour raison de symétrie.
Il est fort probable aussi que les pierres 1, 2, et 3 ont subi le même sort pour être le plus possible en harmonie avec les autres.
Des rainures ont –t-elles été supprimées au cours de ces retouches ?. Il est difficile de répondre ; il semblerait que les constructeurs et les tailleurs de pierre aient essayé au maximum de les préserver, comme le montrerait la saillie vers la gauche de la pierre n° 2 - que l’on pourrait qualifier de disgracieuse parce qu’asymétrique, mais qui respecte ainsi des rainures pourtant discrètes à cet endroit là.
D’autre part, on ne constate nulle part de cassure ou d’interruption d’une de ces rainures.
Cette asymétrie de l’ensemble, c’est à dire un montant de 7 pierres à gauche ( dont trois sans rainures) et seulement 2 à droite ( avec rainures), résulte-t-elle d’un manque d’autres blocs porteurs d’incisions ? C’est possible, mais alors, pourquoi ne pas avoir muni le montant droit du nombre voulu de bloc de grès vierge, pour respecter la symétrie qui existe dans les autres éléments architecturaux de cette église ?
Cette présence dans une architecture religieuse de « polissoirs » (ou de pierres à aiguiser ) nous a paru suffisamment exceptionnelle, pour que nous ayons poussé plus loin nos investigations.
2 - Autres églises en Pays de Mixe.
Nous avons donc visité avec Jacques Casaubon , au printemps 2008, quelques églises du Pays de Mixe, en vue de vérifier la présence ou non de pierres porteuses de rainures dans leurs architectures. Nous avons eu la surprise d’en retrouver dans six cas.
Eglise d’ Arraute
La petite église,
présente trois portes extérieures donnant accès au porche couvert, précédent lui même la porte d’entrée principale de l’église.
Aucune de ces 3 portes, ne présente, à l’extérieur, quoique ce soit de particulier au niveau des blocs de grès qui les entourent ; par contre à la face interne de la porte ouest, et sur son montant droit, on remarque un beau bloc degrès rose porteur de 7 incisions allant de 7 à 20 cm de long, certaines peu marquées, d’autres pouvant atteindre 18 mm de profondeur.
De même, sur les 21 claveaux qui entourent la porte principale,
donnant accès à l’intérieur même de l’église, on remarque que 6 présentent de nombreuses incisions. Si l’on numérote ces blocs de grès rose de gauche à droite, et de bas en haut, on trouve à étudier successivement :
Le claveau n° 3 : le plus saillant de tous vers l’extérieur, présente 8 rainures, peu profondes, dont 6 légèrement obliques en bas et à gauche, et 2 verticales, pouvant mesurer de 8 à 14 cm de long.
Le claveau n° 8, en forme de rectangle allongé inclus dans la partie haute du pourtour de la porte - et hors de portée de main – présente une seule longue rainure verticale de 23 cm de long et 15 mm de profondeur.
Le claveau n°12, lui aussi hors de portée de main, est le siège de 7 incisions, parallèles aux bords du bloc, certaines pouvant atteindre 18 cm de long et 10 mm de profondeur
Le claveau n° 16, présente 4 incisions verticales, dont 3 atteignent environ 13cm de long..
Le claveau n° 17,
possède 7 à 8 incisions verticales, certaines peu visibles, d’autres, très nettes, pouvant atteindre 14 cm de long et 13 mm de profondeur.
Enfin le claveau n° 18,
est porteur des rainures les plus visibles et les plus profondes. Sur sa face externe, on peut en compter douze et sur sa face interne, côté porte, on peut voir une rainure en Y de 12 cm de long.
Eglise de Masparraute.
Si les entourages de grès rose des différentes portes de cette église
ne portent aucune incision ou rainure, par contre, la première fenêtre en bas et à gauche du mur sud présente, sur le quatrième claveau,
en partant d’en bas et à gauche, un magnifique ensemble de treize rainures, la plupart profondément marquées dans la pierre, mais ici encore, parfaitement hors de portée de main.
Eglise de Succos.
- Tout d’abord, au niveau de la façade sud de l’église Saint-Martin-de-Succos,
on remarque l’emplacement d’une fenêtre qui a été bouchée, mais dont l’encadrement est toujours visible, constitué de 7 blocs de grès gris, dont trois portent des incisions bien nettes.
- Par ailleurs, au niveau des pierres d’angle de cette façade sud, à sa jonction avec le mur ouest,
on remarque un groupe de trois pierres, en grés, qui présentent un total de 14 rainures très visibles :
Eglise de Camou.
Cette église,
Seul le claveau n° 4 du pourtour de sa porte principale d’entrée ( en partant d’en bas à droite ), formé de blocs de grès rose, présente 7 rainures, dans l’ensemble peu marquées et réparties en 3 groupes.
Eglise d’Orègue.
Si l’architecture générale de cette église,
est très proche de celles des autres églises étudiées jusqu’à maintenant, la différence réside dans le fait que l’extérieur des murs n’a pas été crépi, de sorte que l’on peut en voir ici les pierres constitutives dans leur ensemble, contrairement aux cas précédents, où seuls étaient visibles les encadrement des portes ou des fenêtres.
C’est précisément, inclus dans le mur sud que l’on peut voir 5 pierres en grès ferrugineux rouge porteurs de rainures souvent profondes.
La pierre n° 1, est située à 1,70m à droite de la porte latérale sud et à 1,05 m au dessus du sol. Elle présente 4 incisions verticales, les deux centrales étant les plus prononcées.
La pierre n° 2
est à 2 m à droite de la précédente et à 1,41m au dessus du sol.
On note deux incisions parallèles, obliques en bas et à gauche.
La pierre n° 3
à 0,85m au dessus du sol et à quelques centimètres en dessous et à droite de la précédente, présente 8 incisions, légèrement obliques en bas et à gauche, de dimensions et profondeurs très inégales.
La pierre n° 4, située à 0,91m au dessus du sol, est distante de 37 cm à droite de la précédente. Les 4 incisions, légèrement obliques en bas et à gauche, sont discrètes, peu profondes ; l’une d’elles mesure cependant 25 cm de long.
La pierre n° 5, est juste à droite de la précédente , et légèrement en dessous, à 0, 81m au dessus du sol. On note 4 rainures, les 2 supérieures nettement visibles, légèrement obliques en bas et à droite, la plus grande mesure 39 cm de long et 20 mm de profondeur ; les 2 inférieures sont beaucoup moins marquées.
Eglise de Suhast.
L’église de Suhast
présente des incisions sur 4 claveaux de grès rose du pourtour de sa porte d’entrée et sur 3 autres pierres au niveau de l’angle ouest de son mur sud.
Au niveau de pourtour de la porte d’entrée :
En numérotant les claveaux de gauche à droite et de bas en haut :
Le claveau n° 2
présente 6 incisions verticales, de 15 à 24 cm de long, dont deux sont particulièrement profondes.
Le claveau n° 3, très saillant vers l’extérieur, comporte 8 rainures horizontales ou légèrement obliques en bas et à gauche. Souvent assez longues ( 19, 24 et même 37 centimètres) leur profondeur est relativement faible.
Le claveau n° 5, présente 4 rainures, peu marquées, de 6 à 12 centimètres de long, obliques en bas et à droite.
Le claveau n°11, possède 3 rainures bien visibles, les plus longues ayant respectivement 16 et 18 cm de long pour 8 et 20 mm de profondeur.
Au niveau de l’angle ouest du mur sud, on observe 3 pierres de grès rose porteuses d’incisions, (la numérotation des pierres se faisant toujours à partir du bas) :
La pierre n° 3, porte 6 incisions sur sa face externe, sud, sensiblement horizontales, ( sauf une petite, verticale), la plus grande atteignant 21cm de long et 10 mm de profondeur. Trois ou quatre de ces traces semblent se prolonger sur l’angle même de la pierre.
La pierre n° 4 est le plus intéressant, car il présente de nombreuses et très visibles traces sur ses deux faces sud et ouest. Sur la face sud, correspondant à la tranche du bloc, on distingue 5 rainures horizontales, très nettes. La face ouest, correspondant au bloc dans toute sa longueur, présente une dizaine de rainures, de dimensions et profondeurs variables, toutes plus ou moins obliques en bas et à gauche. Les deux plus grandes atteignent 20 cm de long, l’une d’elles ayant 10 mm de profondeur.
La pierre n° 5 présente elle aussi des traces sur ses deux faces visibles.
Sa face sud,
la plus longue, porte une dizaine de rainures bien visibles dont 6 sont obliques en bas et à gauche, et 4 obliques en bas et à droite.Les trois rainures en haut et à gauche sont parmi les plus profondes (15 à 18 mm de profondeur ).Sur sa face ouest, plus restreinte, on ne voit qu’une incision de 12 cm de long, oblique en bas et à droite.
Nous avons, en outre, inspecté d’autres églises de ce pays de Basse Navarre, telles celles d’ Amorots, de Béguios, de Sumberraute, de Luxe, de Labets-Biscay, d’Ilharre, de Biscay sans rien noter de particulier.
3 – Eglises hors du Pays de Mixe.
Notre recherche s’est encore poursuivie en Basse Navarre en étudiant un certain nombre d’ édifices, religieux ou non, porteurs de blocs de grés dans leur architecture.
La chapelle d’Aphat, présente de nombreux blocs de grés rose et deux en grés ferrugineux, mais aucun n’est porteur de rainures. L’église de Saint-Jean le Vieux, avec ses blocs de grés rose est dans le même cas, de même que les églises de Mendive et de Lecumberri.
A Saint-Jean-Pied-de-Port, nous avons observé toutes les façades en grés rose des maisons bordant la rue de la Citadelle, et celles de la rue d’Espagne, l’église du Bout du Pont, l’église Sainte Eulalie et l’Hospice mitoyen, sans retrouver la moindre pierre à rainures. Il en a été de même pour l’église d’Ispoure, celle d’Uhart-Cize, ainsi que pour la maison forte Laustania, ou l’église de Saint-Just-Ibarre,.Les résultats ont été tout aussi négatifs pour les églises de Baïgorri, d’Ossés, et de Bidarray.
En Labourd, où nous n’avons rien noté de particulier ; en Soule, le choix des églises a été fait sur les deux critères d’ancienneté, et de qualité de pierre : ainsi les églises bâties en calcaire dur ont été éliminées (après en avoir cependant contrôlé certaines…). Nous avons ainsi examiné les églises de Musculdy, de Domezain, d’Olhaïbi, d’Ithorots, d’Etcharry, d’Aroue, Toutes ces églises ( a part les deux dernières) ont, dans leur architecture extérieure ( contreforts, encadrement des portes ou des fenêtres), des pierres de grès jaune bien visibles, sur lesquels nous n’avons cependant observé aucune trace semblable à celles ci-dessus décrites. C’est seulement dans l’église de Berraute, à la limite sud du Pays de Mixe, que nous avons retrouvé, au niveau de la porte d’entrée, un seul claveau (en grés jaune), du côté droit, porteur de deux rainures, obliques en bas et à gauche de 20 et 15 centimètres de long . Nous avons ensuite poursuivi par les églises de Charrite-de-Bas, d’Arrast, de Larrebieu, de Moncayolle, de Berrogain, d’Abense-de-Bas, de Laguinge, de Haux, de Saint-Jean-de-Berraute prés de Mauléon, d’Ordiarp, mais là encore notre quête a été négative.
Quelques remarques pour terminer : .
Dés maintenant, certains éléments de réflexion semblent se dégager, et surtout des interrogations.
Nos recherches, qui ne prétendent pas avoir été exhaustives, suggèrent une certaine localisation privilégiée en Pays de Mixe. Mais seules certaines églises présentent ces blocs de grès porteurs de rainures. Pourquoi ?
Beaucoup de ces pierres sont à hauteur d’homme, d’autres sont tout à fait hors de portée de main, tout en restant très accessibles au regard, ce qui suppose qu’elles ont été incluses après usage. Enfin il existe des emplacements privilégiés, ostentatoires : les encadrements de porte ou de fenêtres, les murs ou angles de murs exposés au sud.
S’agit-il d’ex-votos, de signatures de « compagnons » ?
Cette dernière hypothèse pourrait suggérer l’idée d’un groupe de « compagnons » ayant travaillé de façon privilégiée en Pays de Mixe, mais quand ? combien de temps ? et d’où tenaient-ils cette coutume ?
Michel Duvert nous signala avoir lui aussi remarqué, lors d’un voyage dans le Quercy, en l’église Notre-Dame du Puy à Sarlat ( Périgord), au chevet sud de l’édifice - et dans sa partie romane - de profondes incisions
tout à fait semblables à ce que nous venons de décrire.
On pourrait peut-être y voir la confirmation de l’existence d’une tradition fort ancienne, et dépassant de beaucoup le territoire ici étudié
Blot Jacques – Casaubon Jacques.
Note.
(1) - Deux dates sont inscrites sur cet édifice : en haut, au dessus de l’horloge du clocher, la date 1847, gravée sur une dalle, et celle de 1649, beaucoup plus bas. Les personnes contactées sur place n’ont pas pu nous donner la moindre signification de ces dates qui, pourraient, probablement être mises en relation avec la date de construction et celle de la restauration de cette église.
Remerciements.
Nous tenons ici à remercier pour leur aide Messieurs les curés Caracotche, Cazenave, Saldubehere, ainsi que Messieurs R. Espelette, P. Etchegoyen, A. Socarros
Bibliographie.
Blot Jacques ( 1982) - Le Polissoir du Pic des Escaliers - Bulletin du Musée Basque n° 98 – p. 201, 206