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Archéologie et montagne basque. Préhistoire et protohistoire au Pays Basque. Fouilles archéologiques. Dolmens, menhirs, tumulus et de cromlechs. Inventaire du Pays Basque

Les cercles de pierre - 2ème partie et fin

LA PRATIQUE DE L‘INCINÉRATION EN MONTAGNE : ESSAI DE RECONSTITUTION.

 

 

La pratique de l’incinération

 

 

          Tout d'abord, si l'on considère le nombre des vestiges qui nous sont parvenus, même en tenant compte de ceux qui ont pu disparaître entre-temps, il paraît évident que tous les défunts, même en montagne, n'ont pas eu droit à un monument. Par ailleurs, ces constructions en altitude semblent relever de funérailles plutôt individuelles que collectives, comme le suggèrent les résultats des études ostéologiques dans le cas de Millagate 4 et de l'absence de toute trace archéologique de réutilisation de ces monuments au cours des temps. Il est probable qu'on a donc aussi pratiqué d'autres modalités funéraires.

 

          Des incinérations ont pu être effectuées en grottes. Les restes incinérés ont aussi pu être déposés dans certains dolmens, comme le suggèrent les travaux de Ebrard D.(Ebrard D.,1993) ou ceux de Alustiza Mujica, qui soupçonne que, dans la sierra de Aralar (où manquent totalement les monuments à incinération) des restes d'incinération ont néanmoins pu être enfouis dans quelques uns des nombreux dolmens érigés antérieurement sur ces pâturages d'altitude. D'autres modalités peuvent aussi être envisagées, dont il peut ne rester aucune trace: dispersion des ossements calcinés, exposition des cadavres aux vautours, etc...

 

          Au delà des variantes d'expression, va être pratiqué, pendant plus d'un millénaire et demi, un rite d'incinération dont nous allons essayer de mettre en évidence, grâce aux résultats des fouilles, quelques uns des traits fondamentaux. Les lignes qui suivent sont proposées avec une grande prudence, car, outre que le recueil des données n'est jamais exhaustif, la difficulté essentielle à laquelle on se heurte réside dans le fait que les éléments en notre possession ne sont que le résultat de gestes ; on ne voit, qu'en partie, la traduction matérielle du rite, mais la pensée qui sous-tend ces gestes nous reste totalement inconnue.

 

          Avec l'apparition de la pratique de l'incinération, il semble qu'on attache moins d'importance au côté matériel de la mort, qu'il s'agisse du cadavre, que l'on brûle, ou de la tombe dont on n'a plus le désir qu'elle soit, comme le dolmen, un sépulcre monumental. Tout devient symbole et le cercle peut alors désigner un enclos sacré protégeant les morts du monde des vivants et ceux-ci de l'influence néfaste des défunts; une aire rituelle complexe où le moindre détail, l'offrande la plus modeste revêt toute une signification aux yeux des constructeurs.

 

          Une fois le principe de la construction d'un monument arrêté, on a vu que le choix du site n'était pas le fait du hasard mais obéissait à des critères évidents ( pâturages  élevés,  cols,  crêtes, etc ...).

 

          - La crémation n'avait pas lieu dans l'enceinte du monument, mais dans un endroit très proche (pas d'indices de sole d'incinération à l'intérieur des monuments ; petites traces d'argile rubéfiée sous des charbons de bois apportés à 1'état de braise).

 

          - La confection du bûcher faisait probablement appel aux essences environnantes ; peut-être, cependant, pouvait-il y avoir un certain choix "rituel": au cours des huit analyses anthracologiques, il a été trouvé une fois du frêne, une fois du hêtre et six fois du chêne à feuille caduque, considéré, en général, comme se développant, aux époques concernées, à un étage inférieur à celui du hêtre.

 

 

          - Y avait-il incinération vraie, ou  simple  crémation, comme  ce  fut le cas à Millagate 4 ?. Il est possible que les deux modalités aient été pratiquées, d'autant que tous les états intermédiaires peuvent s'observer. Quant au choix du type de monument, nous en ignorons totalement les critères ; nous ne pouvons que constater le fait que des structures différentes, mais contemporaines, peuvent coexister dans une même nécropole. Ce choix effectué, ainsi que celui des dimensions, un décapage systématique du sol était mené plus ou moins en profondeur sur une aire correspondant à celle de la future construction ; une tranchée périphérique pouvait en outre être creusée pour mieux assurer l'assise des éléments d'une couronne de pierres périphériques. Dans certains cas une couche d'argile plastique, prélevée dans les environs immédiats, a été disposée sur cette surface décapée.

 

 

          - Les modalités architecturales des couronnes de pierres, comme celles des structures centrales étaient multiples, utilisant les pierres de l'environnement proche, souvent avec un grand soin contrastant avec la modicité des dépôts qui y étaient ensuite effectués. En effet, si les prélèvements de charbons de bois sur le bûcher ont été quasi constants, leur quantité, comme le lieu de leur dépôt dans les monuments, étaient éminemment variables.

 

 

          - Quant aux ossements calcinés, leur recueil ne parait avoir été ni obligatoire, ni systématique et les quelques fragments recueillis, ici ou là, paraissent plus dus au hasard qu'à une volonté délibérée.

 

 

                    Dans le cas unique de Millagate 4, on a sans doute à faire à un notable (?) qui a bénéficié d'un site remarquable, face au pic d'Orhi, d'une tombe très soignée et d'un recueil d'ossements minutieux et complet.

 

 

          - Les offrandes sont, elles aussi, tout aussi symboliques que charbons de bois et ossements, qu'il s'agisse de fragments de céramique "petit fragment remplaçant sans difficulté la chose entière" (Mohen J.P.,1980), d'objets en fer, passés au feu, de petits outils en silex, ou même des humbles petits galets ronds ...

 

 

          Cette rareté en mobilier de nos monuments basques de montagne contraste avec la richesse des régions voisines (Béarn par exemple). On peut être tenté d'expliquer ce fait par la pauvreté de ces gens qui, vivant en été, loin des habitats de plaine, ne devaient pas manquer de récupérer tout ce qui pouvait encore leur servir ; ou bien le rite, les conditions sociales du défunt, n'exigeaient pas ce type d'offrande ... mais on peut aussi envisager que la notion de richesse, de valeur, attachée aux objets, ait pu relever de critères tout à fait différents des nôtres.

 

             - L'ensemble était ensuite recouvert de terre (ou de pierres), l'importance de l'amoncellement pouvant dans certains cas déterminer l'existence d'un tumulus.

 

          La modicité habituelle des dimensions de ces monuments de montagne contraste avec celle des monuments de plaine (Landes, Béarn, etc ...) et parait conforme à ce que l'on peut supposer du nombre sans doute restreint d'individus présents pour des funérailles à ces altitudes ...

 

Des nécropoles organisées, hiérarchisées.

 

          Nous avons vu la longue période d'utilisation et la stabilité des trois types architecturaux depuis l'âge du Bronze jusqu'à l'âge du Fer. Ce qui paraît remarquable dans cette permanence, c'est que des monuments de même catégorie sont en général regroupés par ensembles homogènes quelque soit l'époque de leur construction. Ils peuvent réaliser des nécropoles de monuments semblables, ou se regrouper en ensembles distincts, à l'intérieur d'une même nécropole.

 

          On connaît ainsi la nécropole d'Errozate avec ses 5 baratze, dont la fourchette de temps, pour les monuments étudiés, va de l'âge du Bronze au 2ème âge du Fer ; ou la nécropole de 5 baratze-tumulaires à Millagate, s'échelonnant du Bronze à la fin de l'âge du Fer.

          Les regroupements à l'intérieur d'une même nécropole sont particulièrement visibles à Zaho, avec ses ensembles de cinq tumulus et de trois baratze-tumulaires, à Apatesaro avec trois baratze et les cinq tumulus datés du Bronze Moyen au 2ème âge du Fer. La nécropole d'Okabé est la plus spectaculaire et la plus démonstrative, avec une trentaine de monuments répartis en ensembles bien individualisés.

 

          Une autre caractéristique de ces nécropoles est qu'il s'en dégage une impression de hiérarchie qui s'exprime plus par le choix du site et de l'architecture, qui soulignent le rang social, que par un mobilier en général absent. La nécropole d'Apatesaro illustre très bien cette donnée : les monuments les plus soigneusement élaborés se trouvent sur la ligne de crête, avec une vue privilégiée sur l'horizon, (tout en restant groupés par affinités architecturales) : baratze 1, 1bis, et 2 ; tumulus 3 et 4 ; par contre les tumulus 5, 6 et 7, en contrebas, éloignés de la piste de transhumance et privés de tout horizon, à l'architecture plus négligée, par le contraste qu'ils offrent avec les précédents, nous paraissent refléter une sorte de mise à l'écart, comme si on avait voulu ostensiblement maintenir une certaine hiérarchie entre les monuments, donc entre les défunts.

 

 

 

ORIGINE DE CES CERCLES

 

Edifiés par des pasteurs "proto-basques" ?

 

          La répartition de ces monuments et leur permanence au cours des siècles sur ces sites en altitude, accessibles une partie de l'année seulement, car recouverts de neige à la mauvaise saison, est évocatrice d'une population de pasteurs semi-nomades, pour laquelle l'élevage, dans le Sud-Ouest de la France, tient une place prépondérante depuis l'âge du Bronze.

          D'après les auteurs antiques, ce sont essentiellement les Tarbelles qui occupent l'actuel Pays Basque nord, alors que les Vascons prédominent de l'autre coté. J.P.Mohen définit ainsi les populations de l'âge du Fer au sud de la Garonne : "... pasteurs guerriers qui défendent leurs troupeaux, car ceux-ci représentent alors la richesse la plus considérable qu'on puisse accumuler". (Mohen J.P., 1980).

 

          Il est intéressant de constater que les deux seuls objets en fer livrés par les monuments du Pays Basque nord ont été une pointe de lance et une lame de couteau collée à un talon de javelot (baratze Errozate 2). La langue basque elle-même (l'Euskara) nous le rappelle, comme un lointain écho, puisque "abere" signifie bétail et "aberats" : le riche (celui qui possède des troupeaux). Strabon et Diodore de Sicile signalaient déjà les immenses troupeaux qui peuplaient les pâturages pyrénéens.

 

 

          Cet élevage exige une vie relativement itinérante, les troupeaux quittant les estives de montagne pour se replier en automne dans le piémont et vraisemblablement les Landes et même la région d'Arcachon, comme cela se produisait encore au siècle dernier. En témoigneraient les nombreuses nécropoles réparties tout le long de ces axes de transhumance (Arambourou R.,1977) sans oublier "les camis saliès", les voies du sel, sel indispensable aux hommes, comme aux troupeaux. Si cette navette régulière entre pâturages d'altitude et ceux de plaine a marqué le sol de son empreinte, il ne faut toutefois pas imaginer ces populations en perpétuel déplacement. Ce mode de vie n'est concevable, comme le soulignent Mohen et Arambourou, que sur une base agricole et sédentaire à laquelle s'attachent des artisans, même si ces derniers peuvent aussi être itinérants comme on peut le supposer pour certains forgerons ou bronziers. "Ces sociétés pastorales et surtout celles des Pyrénées connaissent une métallurgie dynamique et novatrice ..." (Mohen). Compte tenu de la richesse en mines de nos montagnes, il est fort probable que les pasteurs pouvaient aussi se révéler d'excellents prospecteurs ... Le développement de la métallurgie comme la création de nouveaux pâturages deviennent alors en grande partie responsables du déboisement de nos forêts. Les points d'ancrage de ces populations sont mal connus en Pays Basque nord, à part les nombreux camps ou "Gastelus" étudiés par le Gal.Gaudeul F. (Gaudeul F.,1989) ; toutefois ces derniers paraissent bien plus des zones de replis temporaires en cas d' insécurité que des habitats permanents. En Pays Basque sud, à ces mêmes camps (ou "Castros") s'ajoutent des restes d'habitats urbains de plaine, tels Cortès de Navarra (en Navarre) et La Hoya (En Alava), possédant des nécropoles à incinération différentes de celles de montagne : incinération en champs d'urnes à Cortès et en petites cistes à La Hoya . Dans nos montagnes certaines éminences de terre, érigées en altitude, de 12 à 18 m de diamètre et de 1 à 2 m de hauteur, sur terrain déclive, près de points d'eau et que nous avons dénommé "tertres d'habitats", pourraient représenter les vestiges de soubassements pour des abris provisoires (torchis, peaux ...) édifiés à leur sommet par des pasteurs séjournant sur les estives. Aucune fouille complète n'a encore été réalisée, mais quelques trouvailles fortuites (grattoirs en silex, cristaux de roche, dents humaines) donnent quelque crédit à cette hypothèse .

 

 

                   - Cette Société composée d'agro-pasteurs, d'artisans et de commerçants, est en voie de hiérarchisation : elle possède ses guerriers et ses religieux, le tout sous l'autorité d'une très probable classe dirigeante, comme le suggèrent les travaux de A. Llanos (Llanos A.,1990) à la Hoya. Cette hiérarchisation, nous l'avons aussi retrouvée dans nos nécropoles de montagne.

 

 

          On peut se demander dans quelle mesure la transhumance saisonnière n'a pas contribué par le brassage des hommes et des idées, à créer une certaine homogénéité, au nord comme au sud de la cordillère non seulement au plan culturel, mais aussi anthropologique et linguistique (malgré l'introduction d'éléments étrangers au cours du 2ème millénaire et tout au long du 1er millénaire avant J.C.).

 

          En effet, au plan anthropologique, on s’accorde ( R. Ricquet 1981 ) à souligner “l’homogénéité remarquable de la population à partir du Néolithique” se continuant à l’âge du Bronze; à l’âge du Fer les intrusions d’éléments venus du Centre-Europe feront plus sentir leurs conséquences dans les plaines que sur les reliefs ( C. de la Rua, 1992)

 

 

          Nous ne nous étendrons pas ici sur le particularisme sérologique bien connu des populations basques actuelles, où le noyau basco-béarnais apparaît comme le vestige d’une vieille population ayant le mieux résisté à ces influences.

 

 

          Nous serons tout aussi bref sur l’ancienneté de l’Euskara qui ne se rattache à aucun système linguistique connu; rappelons cependant que l’étymologie du vocabulaire pastoral n’a aucune relation avec les langues indo-européennes et parait précéder de plusieurs siècles le vocabulaire agricole où prédominent, au contraire, les noms d’origine romaine.

 

 

          Il n'est pas non plus étonnant de constater que c'est dans cette vraisemblable aire de migration de la transhumance protohistorique que s'est précisément conservé l'ancienne toponymie basque, comme nous le rappellent de l'Atlantique à la Méditerranée et de l'Ebre à la Garonne d'humbles noms de ruisseaux, de rochers, de modelé du relief comme "Val d'Aran", Aran voulant précisément dire "vallée" en basque ! On retrouve encore cette toponymie dans de nombreux noms de lieux portant des désinences pré-indoeuropéennes et se terminant en "os", "osse", "ous", "ost" ou "oz" : travaux de J.Seguy (Seguy J.,1951) et de Rohlfs (Rohlfs G.,1952), tels Andernos, Biscarosse, Urdos, Bedous, Bosost, etc ... Ils se répartissent dans le triangle aquitain augmenté de l'Ariège, mais c'est en Pays Basque qu'ils sont les plus nombreux. Les frontières de cette zone correspondent approximativement à la courbe isogénique du groupe sanguin O qui égale ou dépasse 0,70. Les suffixes "Ues" et "Ueste", au sud de la cordillère se rattachent à cette même couche de langues euskaroïdes de la protohistoire. Dans les montagnes du Pays Basque nord, il nous est arrivé de trouver des toponymes qui paraissent liés au contenu archéologique des sites concernés, alors que les monuments auxquels ils semblent se référer sont difficiles à discerner, même pour un oeil exercé. Citons simplement "Ilharreko lepoa" (le col des pierres des morts), "Ilharreko ordoki" (la petite plaine des pierres des morts) ; "Ilhasteria", évoquant "le lieu de la mort rapide" (foudre ?). En tous ces lieux, les monuments, de dimensions fort modestes, étaient ignorés et oubliés de tous depuis fort longtemps. Ces toponymes ne pourraient-ils être contemporains de leur édification ?

 

 

          Il n'est pas impossible non plus que le terme lui-même de baratze par lequel les bergers désignent encore actuellement les cercles de pierres, avec sa double connotation d'enceinte et de lieu funéraire, puisse venir, lui aussi, de ces temps reculés.

 

Les baratze, une création originale, locale ?

 

          Si l'inhumation en dolmens, ou en tumulus, est pratiquée depuis le 4ème millénaire, c'est au cours du 3ème qu'apparaît l'incinération en Europe occidentale et elle va coexister plusieurs siècles avec la pratique précédente.

 

          Ce nouveau rite, (longtemps lié à la notion d'un "peuple des champs d'urne" de l'âge du Bronze ayant son origine dans la région du Moyen Danube), a été largement pratiqué par les populations dites "celtiques" ou "celtisées" du dernier millénaire. Cependant, l'apparition quasi simultanée de l'incinération en différents points d'Europe occidentale, ne répond pas bien à ce modèle "diffusionniste" et on privilégie, à l'heure actuelle, les notions d'acculturation, d'évolution sur place des populations, "l'autochtonisme" remplaçant le diffusionnisme. Tout en pouvant adopter des modalités venues d'ailleurs, les populations de nos régions ont fort bien pu, elles aussi, avoir l'idée d'incinérer. Le premier type de monument utilisé pour l'incinération en montagne semble avoir été le tumulus, comme le suggère le tumulus Irau 4 érigé en plein Chalcolithique ou même le tumulus T1 de Pomp en Béarn (Blanc Cl.,1987,a) contenant les restes de deux squelettes humains incinérés à la même époque (Ly 3478; 3850 +/- 120 B.P., soit 2775 à 1950 avant J.C.). Si les tumulus ont connu une extension quasi universelle et ont participé autant aux inhumations qu'aux incinérations, les exemples de cercles circonscrivant des sépultures se retrouvent un peu partout dans le monde, en Inde, en Zambie, au Sahara comme dans les Andes boliviennes ... et le continent Européen est tout aussi riche. Nous ne ferons que citer le site de Messara, en Crète, avec une vingtaine de cercles, du Minoen Moyen ; l'Italie avec les trois sites de Monsorino, Somma et Vergiate ; la Péninsule Ibérique, avec les petits cercles d'Alentejo au Portugal, datés du Chalcolithique. Plus au nord, on trouve des cercles de pierres au Danemark dès l'âge du Bronze Ancien et ils sont communs dans toute la Scandinavie jusqu'à l'âge du Fer. Quelques auteurs en signalent en Allemagne et en Tchécoslovaquie (âge du Bronze Moyen/Récent). Mais ce sont surtout les Iles Britanniques qui retiennent l'attention avec plus de 900 cercles (Burl A.,1976). Les plus anciens et les plus grands, remontent au milieu du 3ème millénaire avant J.C., mais, pour Burl A., il semble que ce ne soit qu'au milieu du second millénaire avant J.C. que des cercles de pierres (de dimensions modestes) et des sépultures se combinent pour former, par exemple, les "cairn-circles" des côtes ouest de Grande-Bretagne. (Ceci nous rapproche beaucoup de l'époque de construction de Méatsé 8).

 

          Dans un tel contexte, s'il est permis de rattacher l'apparition des baratze, en Pays Basque, à des influences extérieures, on ne peut exclure comme pour le rite d'incinération lui-même, une éventuelle genèse locale pour cette nouvelle modalité funéraire.

 

          Il est en effet possible que le concept "couronne de pierres" ait pu, par exemple, se détacher du tumulus dolménique auquel il est parfois lié depuis longtemps et dont on connaît de nombreux exemples dans les montagnes basques : dolmens de Mokua et Larria 1 en Labourd, de Ocora en Navarre , de Pozontarri en Guipuzcoa etc ... En d'autres termes, l'entité "baratze" telle que nous l'avons définie, a pu naître et acquérir son autonomie au sein d'une population de pasteurs de montagne, caractérisée par son attachement aux traditions, mais dont la fidélité n'exclut pas un certain pouvoir créateur original, déjà souligné par J.P.Mohen en ce qui concerne les productions métalliques (épées à antennes et à languette) ou céramiques (décors des vases). Elle a pu adapter aux nouvelles pratiques funéraires et dans le cadre de ses activités traditionnelles sur les estives, l'ancien style architectural qui lui était familier : le tumulus dolménique et certaines de ses caractéristiques, comme le cercle de pierres périphériques.

 

Des baratze limités à la cordillère ?

 

          Si l'on s'en tient aux caractéristiques que nous avons décrites, les baratze (et baratze-tumulaires), dans l'état actuel de nos connaissances, ne paraissent avoir qu'une aire de diffusion assez restreinte.

 

1 Dans les Pyrénées occidentales

 

          En Pays Basque, nous avons vu ce qu'il en était au nord de la cordillère. Au sud, il en existe une forte densité dans le nord de la Navarre et le nord-est du Guipuzcoa ; il n'y en a que de très rares exemplaires dans les autres provinces. Cette forte densité au niveau de l'axe principal de la chaîne est remarquable et contraste avec l'absence quasi totale constatée dans le reste du Pays.

 

 

          Aspe - Cauterets Plus à l'est, nous avons procédé à la prospection des vallées d'Aspe (Blot J.,1979,c) et de Cauterets (Blot J.,1985,a) qui présentent des monuments semblables à ceux du Pays Basque (26 cercles en Aspe, 11 en vallée de Cauterets) mais dont aucun n'a été fouillé. En vallée d'Ossau les prospections de G.Laplace et plus récemment de G.Marsan et Cl.Blanc montrent un nombre important de cercles de pierres - Citons les 24 monuments d'Houndas, les 16 de Couraus d'Accous, dont 4 ont été fouillés (Dumontier P.,1982) ou les 12 cercles de pierres du Col Long de Magnabaigt (Blanc C.,1983).

 

 

           Ossau. Deux autres cercles ont été fouillés (Blanc C.,1987,b ; Dorot T.,1989) les auteurs ayant obtenu des résultats comparables à ceux du Pays Basque, quant à la pauvreté ou même l'absence des dépôts. Trois datations confirment la fourchette chronologique déjà observée en Pays Basque : cercle du Lac de Roumassot : (Ly 4690) 3280 +/- 110 BP soit 1680, 1385 avant J.C. ; cette datation en fait le monument le plus ancien de cette catégorie. Cercle n° 10 des Couraüs d'Accous : (Ny 770) : 2345 +/- 70 BP soit 770, 180 avant J.C. et le cercle de Bious Oumette (Ly 3890) : 2190 +/- 90 BP, soit 415, avant J.C.

 

 

 

2 Dans les Pyrénées centrales

 

          A.Muller s'est particulièrement attaché à cette région et ses travaux de prospection et de fouille ont grandement fait avancer nos connaissances dans ce secteur (Muller A.,1980).

 

 

           Dans le Luchonnais, Baren, à 1800 m d'altitude a livré au siècle dernier de nombreuses couronnes de pierres plus ou moins détériorées. La nécropole de Bordes-de-Rivière formée d'une trentaine de cercles a été fouillée par J.Sacaze (Sacaze J.,1880) qui a recueilli des urnes avec cendres et ossements brûlés. Citons encore, dans le Luchonnais, les sites de Campsaure, de Mont-Né, de Genost.

 

          La montagne d'Espiaud possédait aussi de nombreux groupes d'enceintes circulaires : les cercles du Mail de Soupène et de Castéra ont été explorés par Piette et Sacaze en 1878 ; il semblerait que la présence d'un caisson central soit systématique.

          Le très important site de Garin compte essentiellement trois nécropoles : celle de la Moraine, avec une trentaine de sépultures ; la nécropole du Pas-de-Peyre (Ramée A.,1875) composée de 17 cercles en couronnes simples ou doubles ; enfin la nécropole d'Arihouat dont la fouille récente par A.Muller a permis de bien connaître les 123 cercles ; elle se divise en deux phases : Arihouat 1 : 750 à 600 avant J.C. et Arihouat 2 : 650 à 500 avant J.C. (Muller A.,1985).

 

 

            En Ariège, on retiendra les 18 cercles de pierres d'Ayer (Cau-Durban.,1887) auxquels on ajoutera les deux cercles de Cagire et Saint Barthélémy (Muller A.,1980).

 

 

           En Espagne, en Val d'Aran, A.Muller signale une trentaine de cercles au Trou du Toro et la nécropole du Plan-de-Beret (Gourdon M.,1878) avec une vingtaine de cercles.

 

 

          Signalons enfin la vallée de Garrinza, au nord de la vallée de Hecho, en Aragon (Ruperez T.A.,1976), elle aussi très riche en cercles de pierres.

 

 

 

3 Dans les Pyrénées orientales

 

           Il faut ensuite aller jusqu'à l'extrême est des Pyrénées orientales pour trouver l'importante nécropole de Villars (Espoll, Espagne), à proximité des Monts Albères, au sud de Banyuls. Chaque dépôt funéraire était entouré d'un cercle de 2 m de diamètre formé de pierres hautes de 1 m à 1,5 m.

 

 

 

4 Dans le Piémont Pyrénéen

 

           Concernant le piémont pyrénéen français, nous ne pouvons pas faire rentrer dans la catégorie des baratze les cercles de petits galets enfouis dans la masse des nombreux tumulus érigés au cours des deux derniers millénaires avant J.C. (Mohen J.P., 1976). Ces structures se retrouvent ainsi sur le plateau du Lannemezan (Vié R.,1987,a), de Ger (Vié R.,1987,b), dans les Landes (Aramburu R.,1987) ou même dans des tumulus de la région d'Arcachon ou du Bazadais (Giraud J.P.,1992). Ces architectures enfouies sous tumulus rappellent beaucoup celles trouvées par J.P.Millotte dans les tumulus de Chaveria 1 et 14 (Millotte J.P.,1972).

 

           Certaines nécropoles à incinération dans les plaines de la Garonne possèdent toutefois des cercles de pierres actuellement enfouis sous terre, qui, s'ils se rapprochent des champs d'urnes, sont aussi voisins des baratze, au moins quant à leur aspect extérieur, lequel a pu être modifié par l'agriculture dans certains cas.

Les exemples les plus remarquables sont les nécropoles de Lesparre et Ribérotes (Lot et Garonne), (Marcadal Y. et Beynex A.,1992,a), celle de La Gravière à Fauillet (Lot et Garonne) (Marcadal Y. et Beynex A,1992,b) ou même la nécropole du Tap à Nègrepelisse (Tarn et Garonne) (Ladier E.,1992).

 

 

 

           Par contre, vers le piémont pyrénéen catalan espagnol, au confluent du Ségre et de l'Ebre nous trouverons des nécropoles assez semblables à celles de nos montagnes. Elles possèdent un dépôt central en fosse, abritant l'urne, elle même parfois entourée d'un genre de caisson. Des couronnes de pierres entourent ces dépôts, pierres toujours visibles, plantées dans le sol.

          Citons la nécropole d'Almanera (Agramunt, province de Lérida) avec ses 8 cercles (Maluquer J.,1973) dont le mobilier suggère une utilisation antérieure à 600 ans avant J.C. ; la nécropole de Colomina (Gerp, province de Lérida) - (Diez Coronel y Montull L.,1964) où 34 sépultures ont été dégagées qui s'échelonnent du 9ème siècle au 4ème siècle avant J.C. et la nécropole de Séros (Lérida)-(Diez Coronel y Montull L.,1962), datée d'environ 800 ans avant J.C., tout à fait semblable aux précédentes, où 300 sépultures ont été mises au jour. Citons enfin les nécropoles de Pedrera, Torre, Filella et Mola.

          Tous les auteurs s'accordent pour voir dans les similitudes que présentent ces nécropoles avec celles de la cordillère, le témoignage d'influences venues du sud de la France, en particulier par la vallée du rio Ségre.

 

 

 

5 Parcours de transhumance et sépulture

 

           Il nous a paru intéressant de superposer, sur une même carte la répartition des principaux sites des cercles de la région pyrénéenne (y compris les piémonts nord et sud), le domaine des tumulus à incinération au sud de la Garonne, (d'après Mohen J.P.,1980) et la reconstitution des anciens parcours de transhumance d'après les travaux de Bladé J.F. (1874), Lefebvre Th. (1928), Cavaillès H. (1931) et Barandiaran J.M. (1953).

 

 

            S'il est clair que la transhumance à longue distance n'est bien attestée qu'en période historique, il est probable qu'elle avait néanmoins atteint une extension importante à l'âge du Fer. Il est aussi vraisemblable que le tracé de ces voies n'a, dans l'ensemble, que relativement peu varié au cours des siècles.

           On peut supposer avoir ainsi une certaine évocation des déplacements des troupeaux au cours du dernier millénaire. Il semble que l'on puisse noter une certaine correspondance entre l'aire de transhumance et la répartition des tumulus à incinération au sud de la Garonne ; il paraît en être de même pour les cercles aux alentours de Lérida.

          Si le phénomène des cercles de pierres a une répartition très inégale dans l'aire pyrénéenne, le Pays Basque apparaît cependant comme la région privilégiée de cette manifestation culturelle, tant par le nombre de ses monuments (877 au total), leur ancienneté, leur originalité, que par l'étendue de l'aire concernée.

 

 

          Il semble bien, en outre, qu'il ait été le siège d'une survivance de cette pratique jusqu'à une période avancée de l'Histoire.

 

 

 

 

DES BARATZE ONT-ILS ÉTÉ CONSTRUITS EN PÉRIODE HISTORIQUE ?

 

 

           Nous avons été amenés à intervenir dans la nécropole de Sohandi, sur 4 des 6 cercles de pierres. Tous ces monuments avaient en commun un très grand négligé de l'architecture et l'absence totale de charbons de bois (Blot J.,1985,b). Toutefois, du mobilier, des datations et un contexte archéologique contemporain semble-t-il de ces cercles, suggèrent que l'on pourrait éventuellement les considérer comme des baratze construits en période historique.

 

 

 

Les cercles concernés

 

 

           - Le cercle Sohandi 5 mesurait 4 m de diamètre et était limité par 8 grossiers blocs de poudingue, simplement posés sur un sol préalablement décapé ; au centre, une seule pierre. Trois tessons de céramique grossière, insuffisamment cuite, ont été datés par thermoluminescence : (B x 475-TL) : 800 +/- 210 BP, soit 1150 +/- 210 après J.C. Il n'y avait ni charbons de bois ni mobilier.

 

 

            - Le cercle Sohandi 2 (Blot J.,1989,c) d'un diamètre de 7 m, lui aussi de facture très négligée, était délimité par de gros blocs de poudingue entourant une structure centrale très primitive ; absence totale de charbons de bois. Trois objets en fer ont été recueillis à la base des blocs de la couronne périphérique : une armature de pointe de lance ou de trait de baliste de 165 mm de long et de section carrée, dont le type a été en usage du Xème siècle à la Renaissance, une seconde armature de 110 mm de long, de section triangulaire (pointe de javelot, de lance ou d'arbalète) d'un type connu au XIIIème et XIVème siècle, un fragment de fer à cheval comportant 3 trous de cloutage, dont un avec une tête de clou, dont le type ne peut être ni protohistorique, ni antique (Coquerel R.), mais qui n'est pas du tout incompatible avec les périodes d'utilisation que nous venons d'évoque.

 

 

            - Le cercle Sohandi 6, de 3,5 m de diamètre et de même facture que le n° 5, présentait en son centre une pierre sur laquelle reposait, à 14 cm sous la surface, une lame de faux. Pour J.P. Mohen elle est très semblable à celle trouvée dans un niveau Téne III de Fort Harrouard ; mais ce type a pu continuer d'être utilisé à l'époque gallo-romaine et au Moyen-Age (Guadagnin R. (3) et Duval A. (4)).

 

 

            - Le cercle Sohandi 4, de 6 m de diamètre, lui aussi délimité par de grossiers blocs de poudingue circonscrivait une aire remplie de blocaille en une seule assise réalisant comme une sorte de pavage central. Parmi les blocs de la couronne ont été trouvés quelques tessons de poterie jaune et verte, vernissée, à pâte fine, beige.

 

 

 

Les autres monuments

 

 

           Si les deux derniers cercles décrits sont difficilement rattachables à une époque précise, il existe un contexte archéologique qui, en Pays Basque, incite à penser que les deux premiers ne sont probablement pas les seuls survivants du rite d'incinération en période historique.

 

 

           - Le tumulus de Biskartxu (Blot J.,1977,b) tumulus pierreux, peu visible, de 12 m de diamètre, avait une petite ciste centrale grossièrement délimitée par quelques blocs contenant des fragments de charbons de bois estimés (Gif. 4183) : 1100 +/-90, soit 714 à 1113 après J.C.

 

 

          - Le tumulus d’Ahiga (Blot J., 1981, b) se présentait comme un tertre de 24 m de diamètre, sans aucune structure intérieure visible. Au centre, au niveau du sol, à 0,80 m de profondeur, nous avons trouvé un dépôt de charbons de bois homogène, compact, renfermant une monnaie de bronze "Antoninianus fruste d'imitation, probablement de la 2ème moitié du IIIème siècle après J.C." (J.L.Tobie). L'estimation d'âge des charbons de bois qui entouraient cette pièce est : (Gif. 5022) : 1000 +/-80 soit 869 à 1205 après J.C. La contradiction entre les deux dates proposées, pour la pièce et les charbons n'est qu'apparente si, avec J.L.Tobie et Marc Gauthier (5) on se rappelle que l'essentiel de l'économie dans l'aire basque entre le Vème et l'orée du XIème siècle, reste basée sur le troc. Les anciennes frappes romaines, en or ou en argent, pouvaient être considérées comme valeurs à thésauriser, rien ne s'opposant, par contre, à ce que celles en bronze puissent être utilisées à titre rituel, comme, dans le cas qui nous occupe, un ou deux siècles après Roncevaux ...

 

 

             A aucun moment, au cours de nos fouilles, nous n'avons trouvé trace de réutilisation de ces monuments. Si ceux décrits comme ayant été érigés en période historique n'étaient que des réutilisations de constructions plus anciennes, on se demande pourquoi cette pratique n'aurait touché que les vestiges aux structures négligées, souvent discrètes, ignorant les monuments bien visibles et bien "tentants" des nécropoles de Zaho, Millagate ou Okabé. Il existe cependant un exemple bien prouvé de réutilisation, mais il va précisément dans le sens d'une continuation du rite d'incinération en plein Moyen-Age.

 

 

              Il s'agit du tumulus à inhumation d'Urdanarre 1 (Blot J.,1993,b). A la base du coffre, long de 2 m, large de 1 m et profond de 0,60 m, on a trouvé quelques ossements (non calcinés) restes d'une inhumation datée par le 14C : (Gif. 9144) : 2990 +/-50, soit 1383, 1067 avant J.C., à coté desquels gisait un vase caréné biconique polypode aquitain (Bronze ancien - Bronze moyen). Ce tumulus avait fait ultérieurement l'objet d'un décapage avec enlèvement de la dalle de couverture du coffre et disposition à l'intérieur de celui-ci, dans sa partie superficielle, d'un petit cercle de 0,50 m de diamètre, formé de 7 pierres et à l'intérieur duquel on avait déposé une poignée d'ossements humains calcinés et de charbons de bois ; le tout avait été ensuite rebouché. La datation obtenue pour cette incinération : (Gif. 9030) : 520+/-60 soit 1301, 1471 après J.C.

 

 

 

Le contexte historique

 

 

            Cette persistance de l'incinération en baratze, en tumulus, ou même par réutilisation d'un ancien monument, n'est pas en contradiction avec ce que nous avons vu de l'ancienneté et de la permanence du groupe ethnique, de ses modes de vie, de sa langue, ni avec ce que nous savons de l'Histoire et en particulier de celle de la christianisation en Pays Basque. Celle-ci semble avoir, en effet, été très tardive, l'ensemble des auteurs insistant sur la persistance du paganisme, particulièrement dans la partie montagneuse.

 

             Les romains avaient été tolérants, ils apportaient avec eux leurs dieux, mais sans rien imposer et la romanisation ne fut que superficielle comme l'écrit J.L.Tobie (Tobie J.L.,1981) : "C'est dans cet îlot de l'actuel Pays Basque Nord, déjà peu romanisé et très tôt déserté, contrairement à la partie hispanique du domaine protobasque, que se réfugieront langue et culture primitive, avant de regagner du terrain en profitant des temps troublés du Haut Moyen-Age".

 

            Les Basques formaient un ensemble confus de tribus plus ou moins indépendantes, parlant chacune son dialecte d'une langue commune fort éloignée du grec ou du latin des missionnaires. L'expansion très progressive du christianisme se fit à partir des petites communautés chrétiennes des villes et diffusa le long des grandes voies de communication ; mais la christianisation du Pays Basque fut tardive et longtemps précaire et, là aussi, le "Saltus Vasconum", le Pays Basque montagneux et boisé, se distingue du reste.

 

          Pour E.Goyheneche (Goyheneche E.,1979): "les imprécations sur le paganisme et la sauvagerie des Basques ne manque pas : en 1120 un évêque du Portugal s'habille en civil pour traverser le Guipuzcoa et la Biscaye ; en 1140 Aymeric Picaud considère les Basques comme récemment - et au demeurant insuffisamment - christianisés".

 

 

           On notera enfin que Bayonne ne semble pas recevoir d'évêché avant le XIème siècle et que, comme le dit encore E.Goyheneche : "L'abbaye bénédictine de Sorde, les abbayes de Prémontrés d'Arthous, de Divielle, de Lahonce, d'Urdax, de Sauvelade, ne remontent, malgré les légendes, qu'au XIème siècle, peut-être au XIIème siècle pour les autres (...). Il est d'ailleurs significatif qu'évêchés et abbayes soient situés en marge du Pays Basque Nord actuel. Ce n'est qu'à partir de cette époque (XIIème siècle) que l'organisation ecclésiastique s'implante réellement".

 

 

 

 

CONCLUSION

 

 

          Les cercles de pierres, ou baratze, qui sont un des aspects le plus spectaculaire des nécropoles protohistoriques de la montagne basque, présentent donc des caractéristiques générales originales que l'on pourrait résumer ainsi : une couronne de pierres plantées, bien visible, dont le diamètre moyen varie de 4 à 7 m entourant parfois un tertre, (le "baratze tumulaire") et possédant le plus souvent une structure centrale.

 

 

           Ces monuments construits en altitude sont pratiquement dépourvus de mobilier et les dépôts d'ossements calcinés y sont exceptionnels ; seuls les charbons de bois, en petites quantités, sont quasi constants, mais disposés de façon très variable.

 

           La pauvreté de ces cercles contraste avec leur architecture souvent très soignée, faisant de ces monuments, essentiellement symboliques, plus des cénotaphes que des sépultures.

         Leur présence quasi exclusive en montagne les différencie des tumulus contemporains, dont on retrouve de multiples exemplaires en montagne mais aussi dans le piémont pyrénéen.

          Toutefois l'architecture des tumulus de montagne porte elle aussi l'empreinte bien particulière de tous ces monuments d'altitude : modicité des dimensions, pauvreté ou absence de mobilier et de dépôts d'ossements calcinés.

 

 

            Les baratze du Pays Basque, édifiés du Bronze Moyen à la fin du 2ème âge du Fer, paraissent être le reflet de phénomènes d'acculturation complexes, par des ethnies locales aux solides traditions, mais au pouvoir créateur dynamique et original.

             Ils sont liés à des occupations pastorales dont ils épousent les itinéraires, les aires de répartition en montagne et la stabilité dans le temps.

             Ceci pourrait peut être expliquer leur ressemblance avec les autres cercles de la cordillère, les différences pouvant relever du contexte géographique et / ou culturel propre à chaque région.

 

 

 

 

             Bien des questions restent cependant encore posées :

 

 

             - Pourquoi, par exemple, ces cercles paraissent-ils avoir été exclusivement construits en montagne ? L'argument du manque de prospection, ou des destructions, en plaine, même s'il peut être ponctuellement vrai, ne paraît pas pouvoir tout expliquer. Il est possible que ces groupes de pasteurs, revenus à l'automne dans les plaines et fondus dans la masse de leurs contemporains, perdaient en quelque sorte leur "liberté d'expression", soumis aux contraintes d'un autre milieu socio-culturel : on y pratiquait certes aussi le rite d'incinération, mais suivant des modalités différentes de celles en altitude, en particulier sous tumulus. Mais, inversement, les contacts qui devaient néanmoins exister entre transhumants et habitants des plaines, pourraient peut être, dans certains cas, expliquer la présence en montagne de tumulus parmi les cercles de pierres.

 

 

           Nous terminerons en rappelant que si la montagne de l'actuel Pays Basque, a vraisemblablement pu jouer, durant la protohistoire, le rôle d'un authentique creuset novateur dont le baratze pourrait représenter une des expression les plus originales, elle a aussi été un véritable conservatoire, jusqu'aux temps historiques, pour les hommes, leur langue et leurs rites funéraires.

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